Jacques Gevers, Anne Demelenne, Samir Amin, Charles Bricman, Josy Dubié, José Gotovitch, Felipe van Keirsbilck, Jean Hermesse, Jean-Marie Chauvier, Manuel Abramovitch Â
Je ne suis pas d’accord avec toutes les analyses de Peter Mertens, ni avec les conclusions qu’il en tire, mais j’ai cependant découvert son livre Comment osent-ils ? avec beaucoup d’intérêt et de plaisir. J’y trouve en effet l’une des très rares mises en perspective des mesures prises ces dernières années à l’échelon européen et au niveau des États pour remédier à ce qu’on appelle la « crise de la dette ». Mises bout à bout, ces mesures en apparence éparses traduisent, en effet, la même démission de tous les pouvoirs publics européens, pourtant confrontés à un phénomène identique : l’incapacité du système capitaliste à maîtriser ses propres excès. Jacques Gevers  Journaliste, ancien rédacteur en chef du Vif L’Express  Peter Mertens, comme nous, a raison de s’étrangler d’indignation dans son livre sur « La crise, l’euro et le grand hold-up ». Oubliés les mea culpa de 2008, les grandes déclarations d’intention de régulation des banques et des marchés… Oubliés le sauvetage des banques, les causes de l’endettement et de la crise. Ils ont réussi à retourner la situation et essaient maintenant de nous convaincre que tout cela, c’est de notre faute : on gagne « trop », notre sécu est « trop généreuse », nos pensions « impayables », nos services publics « pléthoriques », nos chômeurs « paresseux ». Bref, nous sommes tous coupables et nous devons en conséquence être punis. C’est contre cette énorme escroquerie intellectuelle que s’élève Peter Mertens. Il répond très simplement à toutes les questions qu’on peut se poser sur la crise et dissipe les doutes de ceux qui pensent qu’il n’y a pas d’alternatives. À lire, absolument. Anne Demelenne  Oui, ils osent. Le capitalisme contemporain est parvenu à un stade de centralisation du contrôle du capital des monopoles qui permet désormais à une poignée « d’aristocrates de la finance » de décider de tout. Un clergé de politiciens de profession et de gérants des médias à leur service impose ainsi la dégradation systématique du statut des travailleurs, devenus les serfs des temps modernes, corvéables et taillables à merci. Peter Mertens en donne une illustration splendide, par sa précision et sa large couverture de la réalité, qui convaincra le lecteur que le capitalisme a fait son temps et que l’alternative aujourd’hui c’est « le socialisme ou la barbarie ». À lire d’urgence. Samir Amin  Qui de la social-démocratie hollando-dirupienne ou de l’une ou l’autre des droites plus classiques (je ne dis pas « libérales » car comme le savait bien Verhofstadt quand il était jeune et beau, le libéralisme est un principe éthique et une philosophie, pas un parti), qui donc de la droite originelle ou de la gauche « droitisée » nous conduira le plus sûrement et le plus rapidement au désastre ? Les paris sont ouverts, les cotes sont égales. Warren Buffet, l’heureux détenteur de la troisième fortune mondiale qui vote démocrate et professe qu’il faut taxer les riches, a dit que la lutte des classes était un fait mais que sa « classe » à lui, celle des riches, était en train de la gagner. Ce n’est pas ça, le désastre : on sait depuis Horace comment, pour finir, « la Grèce, vaincue, vainquit son farouche vainqueur » et comment à la fin, on sort tous perdants. Non : le désastre qui pointe aujourd’hui à l’horizon n’est plus seulement l’issue d’une bataille mais rien moins peut-être qu’une apocalypse plus sérieuse et plus concrète que celle qu’annoncerait certain calendrier maya. La fin d’un monde dont on commence à redécouvrir qu’étant né aux alentours du XVIe siècle avec l’envol économique de l’Europe des grandes découvertes – le tout début de la mondialisation –, il doit bien finir un jour en suivant la règle d’airain promulguée par Valéry selon laquelle les civilisations sont mortelles. Je prends des risques en disant ça car les prophéties, qui par essence sont de malheur, n’ont pas bonne presse. On leur préfère la promesse des lendemains qui chantent. Sauf ma génération qui d’en avoir trop souvent entendues n’arrive plus à y croire. Et encore moins la suivante, la première à se dire qu’elle vivra probablement moins bien que la mienne. Tout ça en un temps dans lequel certains ont cru voir « la fin de l’Histoire », quand il n’était sans doute que la fin d’une anecdote de l’Histoire. Ce qui fait déjà un long préambule au moment de parler de la version française d’un best-seller flamand qui débarque à l’étal des libraires : Comment osent-ils ? (éditions Aden) devant lequel la «grande» presse francophone semble adopter jusqu’ici l’attitude perplexe du poisson devant une pomme : à ma connaissance, seul Le Soir en a parlé, moins sur le fond que sur la forme qui traduirait la conversion du PTB aux techniques capitalistes du marketing. Eh bien moi, je vous le dis : il faut lire Comment osent-ils ? Avec un œil critique et un esprit en alerte, évidemment, mais même (et surtout) à supposer qu’on soit convaincu que notre bon vieux capitalisme est et restera l’horizon indépassable de l’humanité – les communistes chinois eux-mêmes puisent désormais dans sa vulgate et ses usages ce qui leur convient – ça ne peut pas faire de mal. Ou si ça en fait, ce sera sans doute qu’il y avait une faille dans le raisonnement de base… Ce qui est relativement nouveau, c’est que Peter Mertens, l’auteur de l’ouvrage et président du PTB – qui a sur la photo un peu la dégaine de Jean-Pierre Talbot dans Tintin et les oranges bleues –, ne cherche plus à faire entrer les faits dans la théorie à la cravache du concept. Il relève des faits et souligne la contradiction qu’ils apportent aux principes du Système. Et par les temps qui courent, ce n’est pas trop compliqué, même si d’aucuns feront la fine bouche devant la critique qui emprunte parfois ses accents au langage « tripal » et, partant, « populiste ». Mais enfin : le constat par exemple selon lequel les revenus du capital sont fiscalement bien mieux traités en Belgique que les revenus du travail est d’autant plus difficile à contester que cette disparité est tranquillement assumée. Fiscalement, la Belgique est un paradis de rentiers devenu un enfer pour les salariés. Ça passait à peu près tant que les salariés restaient en mesure de se constituer les replets bas de laine qui font les petites rentes mais c’est de moins en moins vrai. Dans la phase qui précède, le capitalisme a relâché la pression en faisant grimper les prolétaires dans la classe moyenne. Son problème est que dans celle-ci, il semble s’essayer à reprolétariser la classe moyenne… Paradoxalement peut-être, le petit goût de trop peu qui me reste en reposant cet ouvrage vient de ce qu’il renvoie très (trop ?) fort le pendule de l’autre côté du juste milieu entre la théorie et la pratique. Mais c’est sans doute la loi du genre : ceci sort de la plume d’un président de parti politique qui espère ses premiers députés. Ce qui reste intéressant, c’est que ce parti est, chez nous, probablement le seul qui puisse encore vraiment se revendiquer de la gauche, ici repeinte aux couleurs trendy du « socialisme 2.0 ». Je partage tout à fait l’esprit de la préface que signe l’écrivain flamand Dimitri Verhulst quand il écrit qu’il y a quelque chose qui cloche quand les propos de Peter Mertens sont écartés de la plupart des débats. L’honnêteté intellectuelle commence là où l’on a le courage de confronter ses opinions à celles des autres. Il faut donc lire ce livre. Et oser en débattre. Charles Bricman  Un état des lieux remarquable, inquiétant, désespérant sans doute, sauf si cette somme amène de plus en plus de citoyens, ainsi mieux informés, à combattre tous ceux qui, jusqu’à aujourd’hui, «osent» nous conduire au désastre social et écologique dans la plus totale et scandaleuse impunité! Un livre utile, indispensable même. Josy Dubié  Sénateur honoraire  Un dévoilement militant J’entends déjà les litanies d’adjectifs et d’adverbes, les mots anglais qualifiés, je vois les graphiques multicolores, le haussements d’épaules dédaigneux des super conseillers des cabinets d’affaires, bref le haro sur le simplisme analphabète, envers cette « démonstration d’amateur ». Je vis aussi comme tout le monde la déglingue où nous ont menés ces docteurs ès capitalisme. Et je dis bravo à cette mise à plat simple et militante des réalités de base, c’est-à -dire l’exploitation capitaliste enrobée de « fatalités ». Malgré le ton parfois agaçant de celui qui vous mène par la main, c’est bien une documentation étendue traitée avec un sens pédagogique évident que cet ouvrage nous découvre en détaillant les mille trucs et attrapes du monde des nantis et des politiques qui lui sont liés. Le tour du monde est quelques fois vertigineux, mais pertinent. La relecture de grands classiques est bien utile quand elle éclaire le présent. S’il s’agit d’arguments de comptoir, celui-ci est kilométrique. Un ouvrage digeste sur des pratiques indigestes. Une leçon d’histoire du présent. Une arme performante pour ceux qui voudront la saisir. José Gotovitch  Il y a des bouquins qui vous ravissent, qui vous enchantent, qui vous font voir la vie en rose… Ce n’est pas le cas de celui de Peter Mertens et de David Pestieau : c’est un livre qui vous met en colère. Terriblement en colère ! En rassemblant en une synthèse claire et lisible les étapes successives de la prise de pouvoir cynique et brutale des banques et des multinationales, et la complicité des gouvernements, les auteurs nous donnent une vue d’ensemble de cette confiscation de la démocratie et de ses conséquences inhumaines. Mais s’il y a des colères qui vous donnent des ulcères ou vous poussent à la résignation, ce n’est pas le cas de cette colère-là ! Car ce livre nous renforce dans notre conviction et dans nos combats quotidiens de syndicalistes : le chômage, la précarité, le stress et les inégalités insupportables ne sont ni des phénomènes naturels, ni une punition divine. Ils sont la volonté d’une classe dominante dont rien n’arrêtera la cupidité. Rien… sauf le rapport de forces que nous devons créer, dans les entreprises, dans la rue et dans les esprits. Comment osent-ils ? est un bon outil pour ce travail-là . Felipe Van Keirsbilck  Secrétaire général de la Centrale nationale des employés (CNE/CSC)  Quelque chose ne tourne plus rond, les crises se multiplient et les conséquences s’aggravent. Comment en est-on arrivé là ? Peter Mertens dans un style direct, engagé, comme dans un polar, remonte à l’origine des crises, au mécanisme destructeur des marchés et dénonce les vrais responsables. Le livre révèle des faits, des chiffres et des paroles saisissants et inquiétants sur la fortune des riches, le rôle des lobbies des grandes entreprises et de la Commission européenne, l’influence d’un petit monde financier, la destruction engendrée par la guerre de la compétition. Il montre que les crises, la pauvreté et les inégalités ne sont pas naturelles, qu’elles sont le produit d’un système capitaliste. On peut donc rêver d’un autre monde. Ce livre a le mérite de nous offrir une autre lecture et une compréhension des errements de notre société. Il invite surtout à la contradiction et au débat afin d’imaginer une autre société plus démocratique et plus humaine. Il remet les choix politiques au centre de notre modèle de société. Jean Hermesse  ANMC – Secrétaire général, Alliance nationale des Mutualités chrétiennes  Il fallait oser ! Oser le dire, en connaissance de cause avec talent, c’est déjà un exploit ! On comprend l’auteur, avouant avoir « juré et ri » en écrivant son livre. Il y a un tel tsunami d’énormités faites et dites par les temps qui courent ! Quelle joie, du reste, de voir voler en éclats tant de mythes, de « clichés bétonnés » et autres attrape-nigauds dont nous abreuvent le monde financier et ses politiques associés ! Le tir est particulièrement bien ajusté sur le « modèle allemand » conçu, avec le patronat et la droite conservatrice, par ce « Neue Mitte » (Nouveau Centre) social-démocrate-écologiste – travail précarisé et sous-payé, chômeurs stigmatisés à coups de lois « rouges-vertes » – un modèle que, compétitivité oblige, nous sommes invités à suivre. L’auteur ne fait pas que dénoncer, rire et crier, il décortique avec patience l’imbroglio grec, développe l’hypothèse d’une « stratégie de choc » qui, partie de loin, serait en train de détricoter le modèle social et les libertés en Europe. Comment « reconquérir la Démocratie » et réinventer une économie, une société viable dans un monde en perdition ? À ce stade, l’auteur est moins convaincant. Il n’est pas le seul à se débattre avec le « no future » ambiant. Mais pour la mise au (et à ) jour des audaces renversantes du capitalisme, la démonstration est flamboyante ! Jean-Marie Chauvier  Journaliste  Face aux inégalités et aux injustices du monde d’aujourd’hui, pour résister et s’opposer aux politiques antisociales pour proposer des alternatives crédibles, il faut s’armer ! Le livre de Peter Mertens, écrit avec le soutien d’un collectif de militants, nous propose des munitions pour mener le combat pour une société juste, égalitaire et solidaire. À sa lecture, nous pouvons nous dire : c’est possible ! Parce que l’espoir doit persister en refusant de nous laisser embrigader par les discours fatalistes des gouvernements d’austérité. La lutte politique et économique doit repartir de la méthodologie idéologique proposée par Antonio Gramsci. Le combat culturel est primordial pour vaincre le dogmatisme des gourous du libéralisme néoconservateur régnant sur les peuples du monde entier. Avec d’autres (Jean-Luc Mélenchon, Jean Zigler, Edgar Morin, Michel Onfray…), Peter Mertens nous propose un nouveau « Que faire ? » pour passer à la contre-offensive… et « redevenir les acteurs de notre futur ». Manuel Abramowicz  Auteur et enseignant en travail social et communication dans une Haute École de Bruxelles. |